Le changement climatique influence directement nos océans et modifie leurs caractéristiques. On relève différents effets, notamment l’augmentation de la température et l’acidification océanique (on retrouve en effet de plus en plus de CO2 dans l’atmosphère, qui, par contact avec la couche d’eau, se dilue dans la mer et acidifie l’océan). 

Toutes les populations et notamment les espèces de poissons commerciaux qui sont la base de l’alimentation dans de nombreux pays, sont directement impactés par ces changements. 

Nous avons rencontré Laurène Merillet, modélisatrice des écosystèmes marins chez CLS au sein de la direction en charge des activités de gestion durable des pêcheries, qui nous fait part de son analyse sur ces phénomènes. 

Laurène, pouvez-vous nous en dire plus sur votre parcours et vos domaines d’expertise ?

« Ingénieure agronome de formation, j’ai réalisé ma thèse en collaboration entre le Museum National d’Histoire Naturelle et l’Ifremer sur l’inclusion de différentes facettes de la biodiversité dans les diagnostiques de l’état de santé des écosystèmes marins exploités. Cela m’a permis d’évaluer la sensibilité de différents compartiments de l’écosystème face à la pêche et au changement climatique ainsi que d’évaluer l’efficacité des mesures de gestion.

J’ai ensuite été recrutée comme chercheur post-doctoral à l’Institut de Recherche Marine Norvégien pour étudier l’effet du changement climatique sur les écosystèmes des fjords arctiques.

Je modélise désormais les écosystèmes marins  (des espèces du milieu de la chaîne alimentaire au top prédateurs) au sein de l’équipe Innovation et Expertise chez CLS. » 

Laurène Merillet
Laurène Merillet, modélisatrice des écosystèmes marins chez CLS

En quoi le réchauffement climatique modifie-t-il l’habitat des espèces de poissons ?

On observe deux grandes tendances dans la littérature scientifique, sur les réponses des poissons au changement climatique.

Avec l’augmentation de la température, ces espèces vont chercher à rester dans des zones correspondant à leur préférendum thermique :

  • ils vont évoluer vers les pôles et modifier leur distribution spatiale
  • ou nager vers des zones plus profondes.

Sur toutes les mers et océans, les zones exploitées par la pêche vont connaitre de fortes modifications dans les années à venir. C’est le cas notamment de la mer Celtique, une zone très importante pour les pêcheries françaises.

Pouvez-vous nous donner plus de précision sur le cas de la mer Celtique ?

Une analyse des communautés de poissons a permis d’identifier des espèces ayant des preferendum thermiques inférieurs aux autres sur cette zone (morue Gadus morhua et plie Hippoglossoides platesoides).

Or on a pu observer dans les zones situées au nord de la mer Celtique une augmentation significative de la température sur la période 2000-2016 (zone en jaune sur la figure 1) d’en moyenne 0.04°C/an. Ces espèces préférant les eaux froides de cette zone vont donc probablement se déplacer vers le nord et sortir de la mer Celtique pour suivre des températures plus fraiches.

Ces déplacements vont profondément modifier les pêcheries, puisque les pécheurs devront suivre ces espèces, s’ils sont en mesure de le faire (limitation des zones de pêche), ou bien de changer d’espèce cible. 

fish migration map
Figure 1 : Evolution temporelle des températures en mer Celtique de 2000 à 2016. En jaune les zones avec une augmentation de la temperature de fond (de 0.04°C par an en moyenne)

Les fjords sont un des premiers écosystèmes impactés par le changement climatique, qu’y observe-t-on ?

A l’extrême nord de la Norvège continentale, une étude a été menée sur la période de 2007-2019, démontrant que le changement climatique impacte les populations de poisson dans les fjords avec des effets mesurables.

J’ai observé une modification environnementale significative : la diminution de la salinité de l’eau dans le fjord.

Porsangerfjord, à l'extrémité Nord de la Norvège
Figure 2: Le Porsangerfjord, à l'extrémité Nord de la Norvège

En effet, suite à une augmentation des précipitations sur le continent, on retrouve plus d’eau douce dans les fjords, ce qui entraine une modification de l’habitat des espèces.

De plus, l’augmentation des températures le long de la cote norvégienne entraine les populations de poissons du Sud de la Norvège (merlan bleu Micromesistius poutassou, et un petit poisson fourrage : l’argentine Argentina argentina), qui étaient auparavant peu présentes dans ce fjord, à remonter au Nord et à y être désormais de plus en plus présentes.

Au contraire, les espèces d’eau froide précédemment présentes, comme l’églefin (Melanogrammus aeglefinus) montrent une diminution de leur population.

Grâce à ses équipes scientifiques, CLS est pionnière dans la collecte et l’analyse des data metocéaniques.

Ces informations nous permettent de mieux comprendre les changements profonds qui s’opèrent sur notre planète, et d’accompagner les décideurs et acteurs de terrains dans la mise en place de bonnes pratiques, clés pour la préservation et la protection de nos ressources marines. 

Références

Mérillet, L., Kopp, D., Robert, M., Mouchet, M., & Pavoine, S. (2020). Environment outweighs the effects of fishing in regulating demersal community structure in an exploited marine ecosystem. In Global Change Biology (Vol. 26, Issue 4) :

Mérillet, L., Skogen, M. D., Vikebø, F., & Jørgensen, L. L. (2022). Fish Assemblages of a Sub-Arctic Fjord Show Early Signals of Climate Change Response Contrary to the Benthic Assemblages. Frontiers in Marine Science, 9 :